Stocker ou utiliser le CO2, telle est la question !
Des chercheurs français lillois travaillent sur un carburant issu du CO2 récupéré; le DME (diméthyle éther) un futur substitut au gazole… La transition énergétique ne se fera pas sans passer, au moins pendant quelques décennies, par la capture du CO2. Reste à savoir ce que l’on fait de ce CO2. Le stocker ou l’utiliser. Une équipe de chercheurs de l’Université de Lille travaille sur un carburant fabriqué avec le CO2 récupéré baptisé DME (diméthyle éther) qui serait un excellent substitut au gazole. Shanghai Diesel, AB Volvo, Isuzu Trucks et Nissan Diesel développent déjà des camions alimentés au DME. Dans l’Union européenne, la production et la consommation d’énergie sont actuellement responsables de plus de 75 % des émissions de gaz à effet de serre. Le “Green deal” européen propose de réduire les émissions de gaz à effet de serre en Europe d’au moins 55 % d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990, afin d’atteindre l’objectif de neutralité climatique d’ici 2050. “Neutralité climatique” est une initiative lancée en 2015 par l’ONU afin d’atteindre l’objectif d’un monde neutre sur le plan climatique avant le milieu du siècle, conformément à l’Accord de Paris. Pour atteindre cette neutralité climatique, des efforts conjoints des gouvernements, des entreprises et des institutions sont nécessaires. Actuellement, outre la limitation des émissions, il existe deux stratégies pour faire face à l’augmentation constante de la teneur en CO2 dans la biosphère: le captage et le stockage du carbone (en anglais, Carbon Capture and Storage, CCS) et le captage et l’utilisation du carbone (en anglais, Carbon Capture and Utilisation, CCU) :
– Le stockage (CCS) repose sur le piégeage du CO2, y compris sa séparation, sa compression et son transport, en vue de son stockage permanent dans une couche géologique. Il s’agit de capter le CO2 des centrales électriques et des installations industrielles (par exemple, des centrales au charbon, des usines d’aluminium), de le concentrer, de le pressuriser et de le stocker ensuite sous terre dans des formations géologiques ou de l’utiliser pour la récupération assistée du pétrole. Toutefois, la faisabilité technologique et économique à plus grande échelle de cette stratégie n’a pas été démontrée.
– La réutilisation (CCU) implique soit l’utilisation technologique directe du CO2, dans les boissons non alcoolisées ou les extincteurs par exemple, soit sa conversion chimique ou biologique en produits et combustibles à valeur ajoutée. La conversion du CO2 en carburants pourrait être très intéressante. Il convient de souligner que les carburants sont des sources majeures d’émissions de dioxyde de carbone et que la majeure partie du CO2 émis dans l’atmosphère provient de leur combustion.
Convertir le CO2 en DME,
un carburant pour les poids lourds
Le DME peut être produit directement par catalyse. Mais cela ne suffit pas : certains défis technologiques doivent être relevés, comme l’efficacité, la durabilité des électrolyseurs, ainsi que leur rendement. À l’heure actuelle, le coût élevé de cet hydrogène “propre” peut présenter un défi pour la synthèse directe du diméthyle éther à partir du CO2. Le succès de la production de l’hydrogène à grande échelle par l’électrolyse de l’eau repose sur la disponibilité d’électricité renouvelable bon marché et de règles politiques favorables.
Pour convertir directement du CO2 en DME, il y a deux étapes :
– dans la première, le CO2 est hydrogéné pour former du méthanol,
– tandis que dans la seconde, le méthanol est déshydraté pour former du DME.
Une des missions de l’équipe lilloise est d’hydrogéner le CO2 et de déshydrater ensuite le méthanol en même temps dans un seul réacteur et avec un seul catalyseur. Il faut concevoir pour cela des catalyseurs “hybrides”, ceux qui contiennent deux fonctions catalytiques pour ces deux étapes de synthèse de DME. À noter que ces nouveaux catalyseurs ont permis d’obtenir des rendements en DME proches des valeurs maximales définies par la thermodynamique. En outre, la production de produits indésirables tels que le monoxyde de carbone ou les hydrocarbures a été supprimée. Ces résultats démontrent la faisabilité de l’application d’un tel processus dans la pratique à l’échelle de laboratoire.
– Source : Transition énergies .